Écrit par/ Yasmina Rheghai
Par Yasmina, descendante directe des déesses à fossettes et fière héritière des courbes sacrées .
8h00 : L’invocation des ancêtres
Avant de partir, je me recueille devant ma statuette de Vénus, cette déesse préhistorique aux hanches généreuses et au ventre rebondi, symbole ultime de fertilité et de puissance. “Aide-moi, ô Grande Mère, à affronter les étalages hostiles de la fast-fashion qui ne jure que par les mannequins ressemblant à des spaghettis crus.”
9h30 : Le temple de la honte :la grande galerie marchande de la capitale économique
Je pénètre dans le sanctuaire du capitalisme vestimentaire, où les pubs montrent des femmes souriantes en taille 36, alors que la réalité, c’est nous, les mortelles, en train de lutter pour trouver un jean qui ne nous transforme pas en saucisse sous vide. Une vendeuse m’aborde avec ce regard de « Je vais faire semblant de t’aider, mais on n’a rien pour toi ».
— « Bonjour, je cherche une robe élégante pour un colloque.”
— « On a un magnifique modèle en S… mais peut-être que notre collection ‘orientale’… enfin, plus large…”
— « Ah, vous voulez dire la collection ‘On a caché vos formes sous 15 mètres de tissu’ ? Non merci, je ne suis pas un meuble à recouvrir.”
11h00 : La malédiction du “C’est la dernière taille qu’il nous reste”
Dans un autre magasin, je tombe sur une pièce sublime. Enfin, presque sublime.
— “Vous l’avez en XXL ?”
— « Désolée, il ne nous reste que du 38… mais vous savez, avec un peu de détermination…”
— “Ah oui, la détermination de rentrer dans un vêtement trois tailles en dessous ? La dernière fois que j’ai essayé, j’ai failli appeler les pompiers.”
12h30 : Pause déjeuner – Le retour des déesses nourricières
Au restaurant, je commande une pastilla en hommage à mes aïeules, ces femmes marocaines bien en chair qui incarnaient la richesse, la santé et la générosité. Une tante éloignée (toujours présente aux repas de famille pour juger ton poids) me lance : “De mon temps, une femme mince, c’était une femme malade !”
— “Oui, tante Zhor, mais de nos jours, une femme ronde, c’est une femme ‘qui ne fait pas d’efforts’. On ne peut pas gagner.”
14h00 : Le rayon “Caftan” – Le piège de la fausse bienveillance
Je me rabats sur un magasin traditionnel, où on me propose un caftan “très large, très confortable”.
— “Il est magnifique, mais j’aimerais quelque chose de plus ajusté, qui mette en valeur mes formes.”
— “Oh, ma chérie, avec votre silhouette, il vaut mieux éviter les trucs moulants…”
— “Ah bon ? Parce que les déesses de la fertilité, elles, avaient le droit d’être à l’aise dans leur peau. Moi aussi, je veux briller comme une reine, pas me camoufler comme un sac à provisions.”
16h00 : Le retour à la réalité (avec un seul accessoire et beaucoup de rage)
Après des heures de quête, je repars avec… une paire de boucles d’oreilles. Parce qu’apparemment, les femmes rondes ont le droit d’être jolies, mais seulement de la tête aux épaules.
18h00 : L’apothéose – Le culte des courbes retrouvé
En rentrant, je m’allonge sur mon canapé, fière d’être une descendante des déesses bien en chair, ces femmes qui, pendant des siècles, ont été synonymes d’abondance, de force et de beauté. Aujourd’hui, on nous fait croire que la perfection, c’est un corps de pré-ado, mais moi, je préfère la philosophie de mes ancêtres : “Si t’as pas de ventre, t’as pas d’histoire.”
Signé : Yasmina, prêtresse moderne du culte des rondeurs, en guerre contre les tailles fantômes et les vendeurs maladroits.PS: Chers créateurs marocains , arrêtez de nous faire porter des tentes et apprenez de notre histoire. Les déesses, c’était nous. Et on est toujours là.
Alors sortez vos aiguilles et faites-nous des vêtements qui célèbrent nos corps, au lieu de les cacher.
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